T’es Féministe ?

Le métier de marin a longtemps été réservé au sexe masculin.
Mais depuis des siècles, les Femmes sont à bord, cherchant le moindre subterfuge pour embarquer.

Femme de comandant déguisée en homme, rebelle rêvant de voyage et d’aventure, si par malheur l’équipage découvrait la présence d’une femme sur le bateau, il la torturait et la passait par-dessus bord, en pleine mer.

La première femme corsaire, Jeanne de Belleville, surnommée la tigresse bretonne, devenue corsaire pour venger la mort de son mari, ne s’est jamais déguisée. Pour être respectée, Jeanne était redoutable et sanguinaire avec ses ennemis et son équipage, tranchant la gorge à la moindre revendication.

Les Femmes portaient malheur à bord, elles devaient rester à la maison, s’occuper des enfants, regardant l’horizon à la recherche d’un navire, ne sachant jamais si leur mari reviendrait.

Parfois, le mari ne rentrait pas, ne rentrait jamais.

Pour aider ces veuves, toute la communauté mettait la main à la poche avec quelques sous pour qu’elles puissent subvenir aux besoins de leur famille. D’année en année, cette aide est devenue Les gens de mers et l’ENIM.

Aujourd’hui, un marin français cotise à l’ENIM, un régime social réservé aux marins, aidant en cas de maladie, d’invalidité oú de décès.

La mer est dangereuse, sournoise, parfois elle ne pardonne pas. Depuis des siècles la femme est l’image de la fragilité, de la délicatesse.

Alors une femme sur un bateau ?

Dans une mer déchaînée ?

Elle ne sera jamais assez forte…

Certes une femme a moins de masse musculaire, est plus petite et a ses règles.

Une femme, c’est capable de donner la vie dans une souffrance atroce et de sourire.

Une femme anticipe mieux et plus vite les dangers, est obligée de trouver des alternatives quand elle manque de force.

Un jour j’ai beaucoup ri sur la technique d’une Marinette pour affaler un spi, un gros spi ! Avec ces 45kg tout mouillé, elle sautait le plus haut possible, faisait descendre la voile avec son poids directement dans la baille !

Avec son fort accent italien : « Eh Julie ! Faut bien trouver des solutions ! »

Quand on a besoin de monter dans le mât, ça tombe toujours sur le plus léger, souvent la fille et pour aller dans les fonds de cales, les petits bras d’une Marinette sont bien utiles !

Poids léger et mental d’acier, les Marinettes ne jouent pas des biscoteaux, n’ont pas besoin de montrer leur virilité avec un bras de fer et ont tendance à être plus cools, à ne pas s’énerver oú crier.

Elles prennent soin de leur équipage, des petits bobos aux peines de cœur, un peu grandes sœurs, un peu mamans.

Et pourtant, elles galèrent au quotidien à bord, quand le bateau est gîté et qu’il faut aller faire pipi, enlever la salopette et la veste parce que les fabricants n’ont fait des braguettes que pour les hommes, que leurs cheveux qu’elles aiment avoir long sont sources de moquerie de la part de l’équipage masculin : « Elle va encore boucher les pompes de douches… ! »
Parlons brièvement des Marinettes professionnelles de la marine, refusant d’être embarquées pour cause de sexe féminin.

Des réflexions plus ou moins sexistes auxquelles il faut s’habituer, parce que oui, on rigole d’elles quand elles mettent une robe : « Tu t’es déguisée en fille ?! »

On sous-entend que la Marinette est une fille facile : « Tu t’es tapé tous les marins du quai ? Alors ? Un marin dans chaque port ?! »

Parce que si elle a une bonne place à bord, une place à responsabilités, on ne met pas en valeur ses compétences : « T’as couché avec le manageur pour avoir le job ?! »

Elle doit bosser plus, être irréprochable, prouver encore et toujours.

Malgré tout ça, y a des Femmes en mers, des Femmes qui ont bien plus de couilles que certains hommes, qui vivent leur passion, pas pour prouver aux autres, mais pour elles.

Elles ont le sourire, sont rayonnantes, les mains tout abîmées, elles en rigolent !

Leur bonne humeur est communicative, elles ne se plaignent jamais.

On me demande souvent si je suis féministe, je ne pense pas l’être à proprement parlé, mais je lutte à ma manière pour que les Femmes aient les mêmes droits que les hommes, qu’elles soient respectées.

Ce n’est pas être féministe, c’est être Humaine.

Alors quand un jeune kinésithérapeute trentenaire m’explique autour d’un rhum que je ne suis pas à ma place, qu’il y a des métiers pour les hommes et d’autres pour les Femmes, que peu importe ce que je pense, je reste un utérus fait pour enfanter ;

j’écris à toutes ces Marinettes qui sont confrontées à ce genre de comportement.

Qui parfois baissent les bras et en ont marre de livrer une bataille contre la stupidité humaine.

Vous êtes belles, vous êtes fortes, vous en faites rêver certains avec votre crinière décolorée par le soleil et vos mains râpeuses et les autres qui pensent que vous n’êtes pas à votre place ?

Tant pis !

Je souris, lui explique que je ne souhaite pas discuter avec lui, que je ne pourrais pas lui faire changer d’avis de toute façon.

Mais s’il ne me laisse pas tranquille, je risque de sortir de ma condition de femme et lui mettre mon poing dans la gueule.

J’ai beau être une femme, je reste un marin.

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