Cap au Nord (1)

Le catamaran cabote sous le soleil, rares, ceux qui s’égarent trop au nord. La destination est originale, y aller en cata est un défi. Comment réagira le bateau dans le froid ? Si nous sommes bloqués par la glace, le bateau supportera-t-il la compression ? Pourrons-nous pousser des morceaux de glace au besoin ? Et nous ? Tiendrons-nous dans le froid, l’humidité, sans chauffage ?

C’est avec du vent plutôt faible, que nous avons longé les côtes Françaises et Anglaises. Naviguant un peu plus nord vers l’Ecosse, la météo s’est révélée différente. Des vents plus forts, une mer qui se forme, les températures chutent, les veines de courant sont importantes. L’étude de notre route devient plus technique. La route la plus courte n’est jamais la plus rapide à la voile.

Grace à une antenne satellite, nous avons de la météo régulièrement. Une nouvelle carte nous annonce une série de coup de vent au Cap Farewell, le cap sud du Greenland. Ce cap et sa colonie d’icebergs n’est pas accueillant pour notre bateau trop fragile. Nous stoppons notre route à Reykjavik, le cœur actif de l’Iceland.

C’est d’abord un voyage extraordinaire, vers une destination peu commune. Mais le voyage en bateau, c’est aussi une aventure à part et surtout, Humaine. Vivre en promiscuité, 24/24, dans un espace réduit, et surtout, sans échappatoire. Pendant trente-six jours et trente-six nuits.

La vie à bord se met en place, les repas, les quarts de trois heures, nous permettent de veiller toute la nuit. Le rythme de chacun est diffèrent, certain ont besoin de plus de sommeil. Chacun d’entre nous fait une sieste par jours. Nous insistons pour partager les repas ensembles même si la règle veut que l’on ne réveille personne pour un repas. Le repos est la priorité a bord.

L’équipage se connaît plus ou moins.

La route jusqu’à Reykjavik, fut longue, brumeuse, pluvieuse, et tous autres adjectifs peut enchantant. Le pire, dois surement être, l’humidité. Impossible d’y échapper, difficile de l’oublier. Alors on trouve des subterfuges, bien fermer son duvet la journée, dormir avec un bonnet ou une cagoule évite d’avoir le bout du nez gelé, la tête et les cheveux trempés. Chaque vêtements mis au réveil pour le quart, est bien caché sous le duvet, et évite d’enfiler une polaire humide et glacée. Et parfois, on se demande pourquoi on se fait subir tous ca…

L’eau, autre problématique, 500L pour quatre personnes et pour dix jours, vu comme ça, c’est peu, mais raisonnable. En réalité, c’est la guerre. La guerre à la moindre goutte gaspillée, mal utilisée ou pas nécessaire. Des priorités s’installent : la cuisine, la vaisselle, le brossage des dents, nettoyage du bord et la douche. Bien entendu,dans l’ordre. Ça représente par jour, trois vaisselles, environs 6 litres pour la cuisson de pâtes et autre riz, un litre et demi de café, un litre de thé, 8 brossages de dents. Et la douche… Une tous les cinq jours.

L’absence de chauffage, la température intérieure du bateau varie de 10 à 15°c. L’eau chaude n’est pas toujours au rendez-vous, elle chauffe seulement quand nous utilisons les moteurs du bateau et elle est loin d’être brulante ! Alors la douche n’est pas un plaisir…

Plus tard, on sera même heureux de dire à tous ceux qui veulent l’entendre, « c’était génial ! » et certains nous répondrons qu’il aimerait vivre une aventure pareille,, mais peu imaginerons les contraintes réelles du voyage. Hormis ceux comme nous, les enfants des marées.

Un jour, le téléphone a sonné, Cap sur le grand nord !

Une semaine après j’étais à bord, le sac rempli de polaires, les yeux pleins d’étoiles, prête à en découdre avec l’océan et le froid.

L’escale à Reykjavik fut plus longue que prévu. Dans ces coins-là de notre planète, la météo est compliquée, rapidement changeante. Nous avons passé huit jours, à scruter les évolutions afin de prévoir notre futur départ. Comme chaque escale, le pied à terre est appréciable, un bon repas, une bonne bière, souvent plusieurs et une douche chaude ! On ne se refait pas !

La circulation, le monde nous agresse, il faut un peu de temps pour se réadapter. Le bruit, l’odeur des échappements des voitures, le contraste est saisissant avec notre vie en mer. En décalage avec le monde, nous nous sentons fragile.

Le jour est constant et perturbe notre sommeil, notre rythme de vie.

Nous sortons, goutons les brochettes de baleines grillées, découvrons le reggae islandais. Nous louons une voiture pour profiter de la beauté de cette île perdue par 65°Nord. Des paysages sauvage, variés, des glaciers, geysers, cascades, l’Islande nous en met plein les yeux. De belles rencontres sur cette ile perdue non loin du cercle polaire. Des rencontres étonnantes, couple de retraités canadien finissent leur tour du monde, sept ans qu’ils ne sont pas rentrés chez eux. Trois jeunes français sur une coque de neuf mètres partis de Lorient, en quête de nouveaux paysages. Une chef cuisinier, franco-japonaise, grande voyageuse, gérante d’un bar sur la place « apéro » de Reykjavik depuis cinq mois, arrivée ici après la rencontre d’un viking islandais au Népal…

C’est appréciable de sortir du bateau, mais au bout de quelques jours, l’appel de la mer nous reprend.

Nous faisons partis d’une espèce de voyageur très spéciale. Pour nous, marins, le voyage ne commence pas à la sortie de l’avion, une fois à destination. Seul le trajet est pour nous le voyage, une fois à destination, l’aventure s’arrête. Nous ne visitons pas forcement les endroits, pas le temps, pas le choix, pas envie, il y a différentes raisons.

Pour certain ces aventures sont un travail, pour d’autres un loisir, au final nous sommes tous habités par la même passion.

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